vendredi 22 juin 2007

Premières fois d'un rapporteur

Premiers dossiers.

La Transnistrie n’est pas le pays fictif d’un album de Tintin. Bon à savoir.

Photographies de corps calcinés jointes aux dossiers. Indispensables ?

En me réveillant en sueur après quelques jours de travail, j’ai trouvé que les cauchemars étaient parfois trop réalistes.

Première audience.

Déterminer en dix minutes si quelqu’un est convaincant ou non. Pas facile.

Pleurs d’une congolaise. Comble de l’injustice. Etre violée, mais pas pour des raisons politiques.

Sri Lankais. Bourreaux, victimes ? Les deux ? Mais alors. Les renvoyer mourir ou les laisser continuer leur business ici ?

En accordant le statut de réfugiés à un couple de Russes, costumes et bijoux à 10000 dollars, qui parlaient bien le français, je me suis demandé ce que j’aurais pu faire de plus divertissant pendant les deux journées que j’avais passées sur ce dossier.

Dossiers suivants, dix chinois au même récit, ayant refusé de venir s’expliquer en audience. Se foutraient pas un peu de notre gueule ?

Premiers doutes.

En écoutant un ministre de la cohésion sociale rappeler que la plupart des étrangers déposant une demande d’asile bénéficient d’un titre de séjour, d’un logement et d’aides sociales, ce jusqu’à publication de la décision de la Commission des recours des réfugiés, je me suis demandé s’il n’était pas en train d’insinuer que la situation des finances de la France devrait influer sur le droit d’asile.

Discussion avec de vieux collègues. Toujours douter de la véracité des récits des demandeurs d’asile. Veulent le pack titre de séjour-aides sociales. C’est tout.

Mais ceux qui ont vraiment été torturés, les militants politiques, les excisées, les minorités ethniques qui ont fui leur pays, qui n’ont plus rien, juste leur peau sauvée, on les reconnaît comment ?

Doutons.

Premiers non.

Un couple de géorgiens disant être en danger de mort parce que leurs compatriotes ne tolèrent pas les mariages entre cousins germains. On m'a demandé de trancher, j'ai dit non, peu crédible.

Les dix chinois. Non plus, stéréotypé.

Kurdes de Turquie. C’est toujours non, pas convaincant.

Musulmans de Bosnie. Non, non et non, plus de crainte. Guerre terminée.

Réveil, métro, non, non, non, non, métro, dodo.

Même plus de cauchemar.

Premiers miroirs.

Miroir, miroir, ne ressemblerais-je pas de plus en plus à un personnage de Kafka ?

En observant les avocats, les juges, les demandeurs d’asile, mes collègues, je me suis demandé pourquoi on acceptait tous de figurer dans un roman aussi absurde.

Ce problème de finances qui nous réunit ? Peut-être.

Chercher un moyen différent de résoudre le mien. Trouver.

Prononcer mon dernier non suivi de ouf !

Si lâche d’être soulagée.

Premières frayeurs.

Mai 2007.

Lu dans un décret. Le ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement est compétent « en matière d'exercice du droit d'asile et de protection subsidiaire ET de prise en charge sociale des personnes intéressées » [1].

Asile politique et action sociale officiellement réunis.

Qui devra obéir à qui ?

Facile à deviner.

[1] Décret n° 2007-999 du 31 mai 2007 relatif aux attributions du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

il est bien beau ce texte.