lundi 30 juillet 2007

La vie compliquée du prince Parasite. (chapitre I)

I

Il était une fois un Roi et une Reine qui ne désiraient pas avoir d'enfant.
Prénommés Insouciant et Dilettante, ils avaient naturellement décidé d'éviter toute contrainte.
Ainsi confièrent-ils au chambellan le plus sérieux de tous les royaumes le soin de s'affranchir des tâches administratives.
De même, et moyennant des rémunérations attractives, ils recrutèrent le personnel le plus doué en tous domaines afin que le royaume soit toujours en bon ordre et que personne n'ait matière à se plaindre.
S'agissant du risque d'enfanter, le Roi et la Reine, qui goutaient ensemble chaque jour aux plaisirs de la chair et n'entendaient nullement s'en priver, avaient dès leurs fiançailles pris la précaution de confier leurs appareils génitaux respectifs aux pouvoirs contraceptifs de la Fée Stérila.
Leur royaume en de bonnes mains, les souverains purent s'adonner à leurs passions les plus folles, l'esprit léger.
Les années passèrent sans laisser de trace sur le Roi et la Reine dont les corps avaient été protégés du temps par la Fée Antichronos.
Les meilleurs chambellans se succédèrent à la direction du Royaume sans qu'aucune révolte, aucune famine, ni aucune guerre ne vienne jamais troubler les jeux des souverains.

Un beau jour pourtant, le chambellan Horteflamme, compétent mais moins consciencieux que ses prédécesseurs vint à s'éprendre de l'une des suivantes de la Reine. Frustré de n'avoir point de temps à consacrer à sa bien-aimée, il jalousa les souverains et se mit en tête de les contraindre à reprendre en main les affaires du Royaume.
Dans le même temps, les sujets prirent en grippe le nouveau chambellan.
Les paysans organisèrent donc des réunions au cours desquelles chacun exprima son mécontentement à l'égard du ministre.
Ce vent de protestation finit par souffler dans les oreilles crasseuses du chambellan Horteflamme. Dans un premier temps contrarié, il résolut finalement de profiter de cette situation pour accélérer la réalisation de son plan.
Ainsi, un soir, se déguisa-t-il en miséreux et prit part à l'une des réunions de protestation.
L'on médisait grandement à son sujet et il s'en fallut de peu que le chambellan ne révèle son identité ou ne condamne ces pétrousquins à la potence tant son orgueil était blessé.
Il parvint cependant à reprendre ses esprits au souvenir de sa belle - souvenir qui lui revenait systématiquement au toucher de la dent que celle-ci lui avait offerte et qu'il conservait tel un talisman autour du cou.
Ayant de la sorte repris courage, Horteflamme intervint à son tour :
"Mes amis, je vous le dis, tous nos embarras ont pour origine la Reine Dilettante et son refus d'être grosse. Car, croyez moi, si le Royaume avait descendance, nos souverains cesseraient leurs enfantillages, chasseraient le chambellan et reprendraient la direction du royaume ! "
Surpris par le parler biblique de ce jaque en haillons, les comploteurs décidèrent de la boucler. Quelques minutes plus tard, leur chef, un gaillard taciturne, prit la parole et la posa comme suit :
" Ce que tu dis est juste, l'inconnu, le Royaume a besoin de descendance."
Habitués au laconisme de leur chef, les paysans surent qu'il leur revenait de trouver un antidote aux sortilèges de la Fée Stérila.
Justement, l'un d'eux avait une tante Igueulou qui connaissait une sorcière sans verrue aux pouvoirs d'autant plus surprenants : elle aurait permis à une chèvre éprise d'un loup d'enfanter d'un moineau. La sorcière Hybrida, tel était son nom, était à coup sur la solution à leur problème.
Les paysans se cotisèrent pour l'embaucher.
Perplexe mais satisfait, Horteflamme quitta la réunion en se frottant les mains.

Dix mois plus tard, à la grande surprise des souverains, la Reine enfanta. Elle ordonna aussitôt que l'on fit écarteler la Fée Stérila.
Les sujets accoururent en nombre au Palais afin de vérifier que leur Reine n'avait point donné le jour à quelque bestiole grotesque.
Or non. Dans le berceau royal dormait paisiblement un petit prince potelé que ses parents prénommèrent Parasite.
Comme l'avait pronostiqué le chambellan, le Roi congédia tout son personnel.
Horteflamme ne reçut cependant aucune indemnité, le Roi ayant prononcé un licenciement général pour faute lourde et maléfisme.
En outre, il s'aperçut que sa belle, également virée, n'était en réalité qu'une belle saleté exclusivement attirée par ses anciennes fonctions. Celle-ci fut en effet assez prompte à lui annoncer qu'elle ne souhaitait désormais plus le côtoyer. Ni sa chevelure répugnante.
Elle fit en revanche courageusement abstraction de la puanteur du chef des paysans, dont le prestige avait colossalement accru avec la naissance du Prince Parasite.
L'on raconte que, peu de temps après son licenciement, le chambellan Horteflamme fut retrouvé pendu à un arbre, strangulé par un collier auquel pendouillait un croc de cochon sauvage.

Au Palais, après la naissance de Parasite, le Roi et la Reine n'osèrent plus s'approcher l'un de l'autre, de peur de produire un nouvel importun.
L'ennui provoqué par cette séparation de corps leur fut néanmoins rapidement insupportable.
Par désœuvrement donc, le Roi résolut de s'occuper des affaires de son royaume.
La Reine, quant à elle, ne se remettait pas d'avoir subi une grossesse. Son bassin élargi, ses seins maméliformes, les vergetures couvrant son corps et plus encore l'idée d'avoir enfanté lui faisaient horreur. Elle occupa donc son temps libre à convoquer des Fées afin de retrouver son bonheur évanoui.
Antichronos s'étant déclarée incompétente, que ce soit en matière de retour dans le passé ou de réparation des malformations dues à la gestation, recommanda sa cousine Chronostop à la Reine. Chronostop ne put pas d'avantage permettre à celle-ci de revenir en arrière pour éviter la naissance de Parasite. Elle proposa en revanche d'endormir à jamais le Prince, de manière à ce que l'existence de ce dernier n'entrave pas les loisirs de la Reine.
Solution imparfaite mais utile, se dit la Reine qui ordonna à Chronostop de s'exécuter. Parasite vivrait, grandirait et serait même heureux grâce aux doux rêves que la Fée lui inoculerait mais il ne serait un souci pour personne ainsi plongé dans un sommeil profond.
La Reine s'offrit ensuite les services de la Fée Chirurgia, laquelle arracha et brûla tout bonnement les ovaires litigieux.
Ravie de pouvoir retrouver sa vie frivole d'antan, elle courut annoncer la nouvelle au Roi.
La réaction de son époux lui fit l'effet d'un uppercut porté à la pointe du menton tant celui-ci avait changé depuis la naissance de leur fils.
Le Roi consacrait désormais tout son temps à la gestion frénétique du royaume et, durant les menues pauses qu'il s'accordait, s'adonnait à la course à pieds.
Il entendait en outre piloter seul le royaume, répondre en personne aux doléances de chacun de ses sujets et s'entretenir directement avec les souverains voisins.
Un paysan, qui avait un jour bu l'eau d'un puits de science, lui trouva alors le surnom d'hypermonarque. L'on a même aujourd'hui oublié le nom du chambellan de cette époque tant il était inexistant.
La Reine contrariée décida de prendre rendez-vous avec son époux afin de l'entretenir des difficultés qu'elle entrevoyait dans leur avenir commun.

LA SUITE ICI


1 commentaire:

Anonyme a dit…

La suite vite! Encore! Encore! J'adore! Si on m'avait lu des contes comme ça quand j'étais petit, j'en serais pas à pleurer un gros rouquin aujourd'hui! Merci qui? Merci Christelle!