La vie compliquée du Prince Parasite (Chapitre III, fin)
III
Où en étions nous ?
Oui, le plan imaginé par Parasite afin de neutraliser son père, lequel s'opposait à son mariage avec Doubaiser. A ce point du récit, nous avons les idées claires d'une part sur la propension de notre famille royale à supprimer sans état d'âme tout importun, d'autre part sur la naïveté des habitants de ce royaume. Nul besoin de détailler comment Parasite est parvenu à tuer son père et emprisonner sa mère sans être inquiété par qui que ce soit.
Il faut dire que les sujets, aussi niais qu'ils étaient, ne supportaient plus l'hypermonarque et regrettaient les temps joyeux où ils étaient gouvernés par un roi qui s'occupait de ses affaires et puis c'est tout. Ils furent naturellement conquis par leur nouveau Roi Parasite qui avait le bon goût de ne jamais parler politique.
Au lendemain de son couronnement, Parasite proclama d'ailleurs l'unique loi de son règne. Cette loi disposait comme suit : "Le mariage est libre". Point.
L'intention du Roi était uniquement de permettre son mariage avec le prince Doubaiser. Mais l'interprétation de cette disposition donna rapidement lieu à une immigration surprenante. Des centaines de princesses que la fée Chronostop avait condamnées dans le chapitre II à ne plus embrasser prirent en effet la décision de venir épouser des crapauds avant-transformation en attendant des temps plus favorables. Un pari géant sur l'avenir se joua en somme dans le royaume - pari consistant à miser sur le batracien au meilleur potentiel princier.
L'union de Parasite et Doubaiser passa pour anecdotique à côté des mariages fantaisistes de cette époque. Mais union il y eut. Et consommation.
Par souci de ne pas perturber les habitants du royaume, Doubaiser entreprit de se comporter en parfaite première dame. Comme il adorait se travestir, il profita de son nouveau rôle pour farfouiller dans la garde-robe de la précédente Reine et lui chiper ses plus belles toilettes.
Dans les royaumes voisins, l'on ragota beaucoup sur ce "King dressed as girl" que l'on finit par surnommer the Drag Queen. Doubaiser, loin d'en être vexé, fit fabriquer de nouvelles robes plus à son goût, puis d'autres, toujours plus extravagantes.
Les sujets tuèrent père et mère pour assister aux cérémonies officielles durant lesquelles l'on pouvait observer Doubaiser dans ses grandioses tenues. Bientôt, les jeunes pages et valets du couple royal adoptèrent la mode insufflée par leur Drag Queen. Ce phénomène se propageant, Parasite institua pour faire plaisir à son compagnon une parade annuelle à laquelle pourraient participer tous les hommes vêtus de tenues féminines.
Une ambiance extraordinairement festive régnait alors dans le royaume. Et comme chacun sait, euphorie de la population entraine diminution des dépenses de sécurité sociale et augmentation de la consommation des ménages donc retour de la croissance et bonheur, bonheur, bonheur.
Fin du conte ? Non.
Car Parasite, spirituel et compliqué, ne se satisfaisait nullement de ce climat qu'il jugeait totalement superficiel. Il était malheureux, malheureux, malheureux sans comprendre pourquoi. Comme un enfant auquel on aurait offert le magnifique livre de coloriage dont il rêvait et qui aurait perdu ses crayons de couleur. Disait-il.
Mélancolique et de plus en plus en décalage avec Doubaiser, il ne cessait de penser aux belles images qui lui avaient été inoculées durant ses longues années de sommeil forcé. Or le libertinage ambiant ne ressemblait en rien à l'idéal sous-tendu par ces images.
Doubaiser, loin de comprendre le spleen de Parasite, prenait un plaisir sadique à lui raconter ses folles soirées de luxure. Il se moquait ouvertement du roi qui s'isolait désormais chaque jour pour lire des romans d'amour.
A la suite de l'une de ses lectures, Parasite se mit en tête qu'avoir un enfant le dégagerait naturellement de l'abîme dans lequel il était empêtré. Mais il lui suffit d'esquisser l'hypothèse de convoquer la sorcière Hybrida et permettre à Doubaiser d'enfanter pour que celui-ci s'offusque, s'évanouisse puis s'évapore pendant plusieurs semaines.
Parasite, terriblement déçu et perdu, s'en remit dans un premier temps à la médecine. Un naturopathe réputé pour sa perspicacité diagnostiqua une obstruction du canal cosmique et lui prescrit une infusion quotidienne de chanvre indien. Après avoir suivi ces conseils et une cure de désintoxication, le roi s'adressa à un psychosorciologue, lequel l'incita à chercher les causes de sa mélancolie du côté de son enfance et pourquoi pas du comportement peu apaisant de ses parents.
Mais Parasite refoula la suggestion et resta convaincu que seul le fait d'avoir un enfant lui permettrait de trouver le bonheur.
Si Doubaiser refusait de l'aider, il trouverait bien quelqu'un d'autre, pensait-il. Mettant en doute jusqu'à son homosexualité, le roi décida 1/de lourder Doubaiser 2/d'épouser en seconde noce l'une des nombreuses princesses frustrées 3/de concevoir avec 2 une descendance abondante 4/de conclure en bonne et due forme ce conte interminable.
Je saute l'étape 1 qui fut bien trop douloureuse pour Doubaiser et ses admirateurs dont j'étais.
S'agissant de l'étape 2, après avoir fait le tour du royaume à la recherche d'une génitrice acceptable, Parasite arrêta son choix sur une princesse dont le mari crapaud avait un profil particulièrement peu prometteur, persuadé que celle-ci ne pourrait l'éconduire.
En guise d'approche, Parasite proposa à la jeune femme de convoquer la fée Chronostop afin de trouver un remède à sa paralysie buccale. En échange de quoi la princesse devrait se marier avec lui et avoir beaucoup d'enfants.
A la surprise du roi, la princesse Pragmatique réclama quelques jours de réflexion durant lesquels des scientifiques de son royaume d'origine procèderaient à une analyse généalogique permettant de vérifier que Parasite est bien le fils de son père ainsi que l'arrière petit-fils de son arrière grand-père. Dans le royaume de la princesse, tout enfant illégitime était en effet dépisté puis exécuté conformément au principe "mieux vaut un crapaud légitime qu'un prince bâtard".
Dès les premiers jours d'attente, Parasite se mit à douter. Tout lui paraissait si compliqué. Dans ces conditions, pourquoi enfanter ?
C'est alors qu'il fit venir la fée Chronostop de Nice. Mais au lieu d'aborder le cas de la princesse, il pria la fée de le plonger à nouveau, et cette fois-ci à jamais, dans le délicieux sommeil où il avait vécu ses premières années. Les meilleures.
La fée, qui n'était plus à ça près, s'exécuta sans tergiverser, plaça notre Parasite endormi en lieu sûr puis retourna à sa partie de bridge.
Définitivement privé de souverain, le royaume se disloqua. Ses milliers d'habitants se dispersèrent autour du monde, trimballant avec eux le récit de ce qu'ils avaient retenu de la vie compliquée du Prince Parasite. Et autant de moralités à ce conte.
Exemple :
Parisss à Paris : " C'est vraiment pas sympa d'appeler son fils Parasite!"
Et selon vous, quelle morale à ce conte ?
FIN
3 commentaires:
Le bonheur, c'est dormir ?
Mdr! Je connaissais pas l'étymologie de Drag Queen, merci de remédier à mon inculture! Pour la morale, je crois que ça pourrait être qqch comme: Faisons un bel autodafé avec tous les livres qui se terminent par "Ils se marièrent, vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants" et les générations futures ne connaîtront pas les marasmes de la vie de greluche
en guise de moral:
"L'herbe du Marais d'à coté parait toujours plus verte",
ou,
"il n'est pas utile de se battre pour ce que l'on veut; avoir à le faire est le première preuve que ce n'est pas la meilleure option"
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